Intervention de Jean-Yves Mescam au conseil municipal de Loos du jeudi 28 septembre 2023
Un désert médical désigne une zone géographique dans laquelle il est très difficle, voire impossible de se faire soigner par un professionnel de santé en raison de l’absence de médecins à proximité.Cette situation traduit une inégalité territoriale dans l’accès aux soins et peut s’avérer dangereuse pour la santé des populations locales.Elle vient s’ajouter à d’autres fractures qui traversent notre pays que ce soit en matière de mobilité, d”accès au numérique ou aux services publics.
Un désert médical est source de nombreuses difficultés :
– augmentation des délais pour obtenir une consultation ( au risque de voir l’état de santé du patient s’aggraver)
– déport de consultations vers les services d’urgence déjà saturés des hopitaux
– difficultés de trouver un médecin traitant en particulier lors d’un départ à la retraite non remplacé. Ces patients subissent une rupture de leur parcours de soins coordonnés, normalement garanti par le service public.
Un rapport sénatorial de mars 2022 dresse un bilan alarmant:
Les déserts médicaux touchent de nos jours une commune sur trois. Dit autrement, ce sont plus de 7 millions de français qui sont concernées. Contrairement à ce qu’on pourrait croire, ce chiffre est particulièrement élevé en Ile de France où il dépasse les 60% de la population, les banlieues et les quartiers populaires étant , au même titre que les zones rurales, particulièrement mal dotés. Avec des conséquences inquiétantes pour la santé des français, ils seraient chaque année près de 1,6 million à renoncer à des soins. Les médecins souffrent aussi de la situation puisqu’un grand nombre d’entre eux serait au bord du burn-out.
Le problème est suffisamment grave pour que le Président de la République lui-méme s’engage. En décembre 2022, il déclarait que “ la pénurie de médecins était l’un des problèmes les plus importants aujourd’hui de notre pays” .
Comment en est on arrivé là?
Etonnamment, le fameux Numerus clausus , aussi absurde et élitiste fut il, n’est pas la raison principale de cette situation. Ce système de sélection drastique a été mis en place , on peut le rappeler , en 1971 et supprimé en 2020 par Agnès Buzyn. Son objectif principal était de réduire les dépenses de santé en limitant le nombre de médecins. Idée de génie de nos grands cerveaux parisiens , organiser la pénurie pour lutter contre le déficit chronique de la Sécurité sociale.
Toutefois en 2021, la densité médicale était de 318 médecins pour 100000 habitants, contre environ 120 en 1968, la France se situant dans la moyenne des états européens. Dans le monde , si le nom des pays ayant le moins de médecins ne nous surprend pas ( Somalie, Sierra-Léone ou Libéria) , celui qui en compte le plus est plus étonnant , puisqu’il s’agit de Cuba avec une densité de 820 pour 100000 , soit presque le triple de la France !
Certes, ce constat est à nuancer par un certain nombre de facteurs qui ont été longtemps sous-estimés, tels la féminisation de la profession, des taches administratives de plus en plus lourdes, l’augmentation du salariat au détriment de la médecine libérale ou encore la fin de la semaine de 70 heures de nos anciens médecins, autant de facteurs qui ont impacté à la baisse le temps moyen de travail par semaine et par médecin.
On ne peut pas , de même, passer sous silence l’augmentation de 30% de la population générale en un peu plus de 50 ans et son vieillissement concomittant, les baby-boomers nés après la deuxième guerre mondiale étant pour beaucoup désormais en age d’avoir des soins réguliers, de façon prévisible mais si mal anticipée !
Un autre aspect de la profession médicale est à prendre en compte. Près d’un médecin sur 2 est agé de plus de 60 ans . Cette génération est issue des numerus clausus “élevés “ des années 70 ( proches des niveaux actuels, autour de 8000), tandis que les générations suivantes ont connu des numerus clausus plus bas ( inférieurs à 4000 dans les années 90 ) Ce qui va encore aggraver la situation dans les années qui viennent , au moins jusqu’en 2030.
Néanmoins, le problème majeur est lié à une inégalité territoriale avérée dans la répartition des professionnels de santé, en particulier des médecins généralistes et à un décalage qui tend à s’accroitre entre une forte demande de soins et une offre déclinante. Ainsi, les écarts de densité entre départements varient de 1 à 3 pour les médecins généralistes.
Les tentatives d’ajustement de la répartition des médecins se heurtent au principe de liberté d’installation défendu bec et ongle par leur principal syndicat. Les médecins tendent à se concentrer dans les territoires attractifs, délaissant les zones rurales mais aussi nous l’avons vu, les quartiers populaires réputés plus difficiles.
Le quartier des Oliveaux n’a hélas pas échappé à ce phénomène . La municipalité, soucieuse de cette situation et surtout d’y remédier, a travaillé à mettre en place une solution, certes provisoire en attendant l’avancée des travaux du NPRU , mais qui va permettre rapidement à la population locale d’accéder beaucoup plus facilement au service d’un médecin.
L’objectif à moyen terme reste bien évidemment de tout mettre en oeuvre pour assurer l’implantation d’un cabinet médical pérenne au coeur du quartier
Le groupe Choisir Loos votera favorablement cette délibération .