Mise en œuvre des outils de lutte contre l’habitat indigne issus de la loi ALUR
Jusqu’où ira le mal logement avant que l’on agisse?
Cette question a été posée pendant l’hiver 2008 par la Fondation Abbé Pierre , société très active en matière de logement. Un an auparavant, elle avait interpelé l’opinion publique en s’attaquant à ce qui est certainement la forme la plus dure d’habitat indigne: le taudis : le problème n’est pas seulement que les gens y vivent, c’est qu’ils y meurent.
C’est dans ce contexte de mise en danger de la vie humaine que la lutte contre l’habitat indigne s’est vraiment développée. Comment tolérer que des personnes soient contraintes de vivre dans des habitats anormalement dégradés dans le seul but d’avoir un toit ?
A l’origine, la lutte contre ce type d’habitat renvoyait plus à une volonté politique ( ou à son absence) qu’à une volonté juridique. Pourtant , on peut le rappeler , la première loi relative aux logements insalubres date du 13 avril 1850. Au fil du temps d’autres suivront, comme celle de 1894 entérinant enfin l’obligation de raccordement au tout à l’égout à Paris, après 20 ans de lutte acharnée, voire violente, entre les anti et les pro raccordement !
Désormais le droit s’est emparé de toutes les dimensions de cette lutte avec l’arrivée tous les ans de nouvelles mesures pour tenter d’éradiquer ce fléau .
Ainsi, depuis la loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion du 25 mars 2009, l’habitat indigne a maintenant une définition précise qui permet entre autres de le différencier du logement indécent.
Même si le logement indécent peut être considéré comme pouvant être un préalable à l’habitat indigne, ces deux situations ne relèvent pas des mêmes procédures: si le logement indécent relève du droit privé, l’habitat indigne est une lutte purement administrative, qui mobilise des pouvoirs de police confiés respectivement au Maire, compétent notamment en matière de sécurité ainsi qu’au Préfet, auquel incombent les mesures en matière d’insalubrité avec interdiction d’habiter.
Les obstacles restent toutefois importants.
Ils sont liés en premier lieu aux grandes difficultés d’identification de l’habitat indigne. Trois actions sont possibles : le repérage, la plainte de l’occupant et le signalement par un tiers.
Or le signalement d’un tiers est rare et le plus souvent l’occupant n’ose pas ou ne peut pas porter plainte. Habiter dans ce type de logement n’est pas un choix mais une obligation. Elle est liée à une grande précarité financière et/ou à une situation irrégulière sur le territoire. La priorité de trouver un toit contraint ces personnes à accepter des conditions de vie contraires à la dignité de la personne humaine. Il s’agit aussi parfois de propriétaires qui n’ont pas les moyens de faire des travaux et qui ne réalisent plus dans quel état est leur logement.
Reste le repérage par les autorités administratives , en augmentation mais complexe et encore insuffisant, en particulier par un manque de moyens tant humains que financiers.
La loi ALUR de 2014 et les mesures qui lui sont attachées de 2015 et 2016 ont cherché à améliorer la situation.
Parmi les nombreuses mesures de cette loi, l’une des innovations les plus importantes est celle qui confie à l’EPCI, compétent en matière « d’Habitat », en l’espèce la MEL, la mise en place de dispositifs visant à prévenir la division de logements et à veiller sur les conditions de mise en location des logements.
La métropole, marquée par une forte proportion de logements potentiellement indignes est très engagée dans cette lutte.
La loi ALUR, a permis d’instituer les 3 nouveaux dispositifs que sont la Déclaration de Mise en location, l’Autorisation Préalable à la Mise en Location et l’Autorisation Préalable à la Division, décrits dans la délibération qui viennent compléter les outils mis en place par la MEL depuis près de 20 ans au titre de sa compétence en matière d’habitat , tel que le dispositif de requalification de l’habitat en courées, le dispositif de lutte contre le logement vacant dégradé mené avec la Fabrique des quartiers ou le dispositif «Amélio plus» permettant d’accompagner financièrement les projets de rénovation des logements.
Les Déclarations de Mise en Location et les Autorisations Préalables à la Division mises place à LOOS, présentent l’avantage de repérer et de contrôler les conditions de mises en location dans des secteurs identifiés comme propice au développement de l’habitat indigne. Elles permettent d’identifier des habitats comportant des risques en matière de sécurité, comme des problèmes électriques repérables au travers des diagnostics transmis, et d’agir conjointement avec l’ARS et la CAF notamment.
Ces dispositifs constituent également un obstacle, une contrainte forte pour les marchands de sommeil passibles d’amendes lourdes.
Dans le nouveau Programme Local de l’Habitat 2022/2028, la lutte contre l’habitat indigne fait partie des 5 grandes orientations à développer.
La MEL souhaite renouveler son engagement auprès des communes en leur mettant à disposition son ingénierie, renforcer sa boite à outils pour effectuer les travaux de sortie de l’habitat indigne et prévenir le développement du phénomène.
A cette fin, les dispositifs issus de la Loi ALUR mis en place depuis 2019 sur quelques communes volontaires seront pérennisés afin d’assurer un meilleur encadrement de la qualité des logements mis en location et un meilleur repérage des biens devant faire l’objet d’une réhabilitation.
C’est dans ce contexte que nous sommes invités à voter une convention de prestation de service entre la MEL et la commune. La MEL confie ainsi l’exécution d’une partie de ses missions aux communes . Cet accord permet à la MEL de bénéficier du concours des équipes communales et de leurs compétences et aux communes d’améliorer leur connaissance de leur tissu urbain.
La route sera longue. La dernière étude réalisée pour la métropole fait état de près de 40 000 logements potentiellement indignes et de 120 000 personnes en état de mal-logement. cela passe par la construction de nouvelles résidences pour étudiants et de logements accessibles à tous.
Et comme le disait l’Abbé Pierre lui-même: On ne peut pas , sous prétexte qu’il est impossible de tout faire en un jour, ne rien faire du tout.