Monsieur le Préfet de la région Hauts-de-France, préfet de la zone de défense et de sécurité Nord, préfet du Nord,
Monsieur le Député,
Monsieur le Gouverneur militaire de Lille, officier général de la zone de défense et de sécurité du Nord,
Madame la Conseillère régionale représentant M. Xavier BERTRAND,
Monsieur le Représentant du contrôleur général Gilles GRÉGOIRE, directeur départemental du SDIS du Nord,
Monsieur le Représentant du directeur inter départemental de la police nationale,
Madame la Directrice académique de Lille,
Monsieur le Directeur de l’Office national des combattants et victimes de guerre du Nord,
Monsieur le Préfet des Hauts-de France,
Monsieur le Général militaire,
Mesdames, Messieurs les maires et les membres du Conseil municipal,
Madame et Monsieur les Présidents des Amicales d’anciens déportés,
Mesdames et Messieurs les porte-drapeaux et les membres d’associations patriotiques, d’anciens combattants, de défense de la Mémoire et de la Résistance,
Mesdames et Messieurs les familles de déportés,
Mesdames et Messieurs les sapeurs-pompiers,
Mesdames et Messieurs les musiciens,
Mesdames et Messieurs les membres de la Pépinière des séniors,
Chers jeunes élus du Conseil de la Jeunesse loossoise, du Conseil municipal des enfants,
Mesdames et Messieurs, Chers amis,
Ce matin, nous sommes réunis pour commémorer le 80ème anniversaire du départ du dernier convoi de déportés de France, essentiellement composé de résistants, vers les camps concentrationnaires nazis.
Nous faisons cercle d’unité et de recueillement devant la stèle érigée en mémoire de près de 900 hommes – les chiffres font désormais état de 866 hommes – dont la destinée a basculé le 1er septembre 1944.
Jour sombre de la mémoire, jour d’union solennelle, ici, à Loos où la tragédie a commencé.
Au matin du 1er septembre 1944, au sein de la prison de Loos, près de 900 détenus sont réunis dans la précipitation. La rumeur de l’avancée des troupes alliées souffle jusqu’aux oreilles des prisonniers.
En ville, les drogueries sont en rupture de peinture bleue et rouge. Depuis la Libération de Paris, le 25 août, la population prépare le jour où l’étendard républicain pourra réapparaître aux fenêtres.
Dans leur départ, les SS planifient un dernier convoi de prisonniers, choisissant ceux qu’ils estiment le plus menaçants, 3 quarts des hommes sont des résistants. Ils emmènent également, des victimes de rafles présents au mauvais moment au mauvais endroit, des otages, quelques prisonniers juifs, des détenus de droit communs destiné à purger leur peine au sein des prisons du IIIème Reich.
Toute la journée, des navettes de camions se succèdent direction la gare de Tourcoing. Dans les rues qu’ils empruntent, des résistants commencent à dresser des barrages. Ils reçoivent des tirs de mitraillettes et les camions poursuivent leurs allées et venues.
Arrivés en gare de Tourcoing, les hommes sont entassés, par 80, dans des wagons à bestiaux. Vers 17h30, ces hommes, dont le plus jeune a 16 ans et le plus âgé 71 ans, originaires de toute la Région commencent leur funeste voyage vers l’Allemagne.
Durant 3 jours, ils sont debout, privés d’eau, de nourriture, d’hygiène. L’espoir d’être libérés s’amenuise à mesure qu’ils traversent les paysages de Belgique et des Pays-Bas.
Arrivés à Cologne, mis à nu, examinés, tondus, les nazis réduisent ces hommes à un numéro et à un triangle rouge inversé que les déportés doivent coudre eux-mêmes sur la chemise rayée de bandes qu’ils reçoivent. C’est avec beaucoup d’émotion que la Ville de Loos accueille et expose à l’Hôtel de Ville la tenue d’André Symoens, résistant déporté dans le train.
À la fin de leur période de quarantaine, dispersés et transférés par groupes dans toute l’Allemagne, au gré des besoins de main d’œuvre, ces hommes sont destinés à la mort.
Une mort lente. Une mort d’épuisement et de mauvais traitements. Ces hommes sont utilisés pour déblayer les débris des bombardements alliés, enlever les bombes non explosées, creuser des tunnels et des tranchées antichars, construire des fortifications et des moteurs d’avion dans les mines de sel.
Le ventre à peine rempli d’une soupe claire, la tête rongée par les poux, le corps transi de froid, terriblement affaiblis par les longues heures d’appel général et de travail, roué de coups, beaucoup de prisonniers succombent d’épuisement, de tuberculose, de pneumonie.
Chaque jour, il faut repousser ses limites humaines.
Chaque jour, il faut supporter les coups des kapos.
Chaque jour, il faut éviter la mort.
Le Train de Loos est un voyage au bout de l’enfer. De cet enfer, seuls 275 hommes reviendront.
80 ans jour pour jour se sont écoulés.
Notre présence, nombreuse, témoigne de notre émotion face à ce drame.
Vous, les 900 victimes du fascisme, vous ne mourrez pas une seconde fois dans le brouillard de notre mémoire.
Ce matin, vos noms, gravés dans le bronze, sortent de l’ombre.
Nous n’omettons pas le souvenir de vos bourreaux, ces prisonniers complices des nazis, mais aujourd’hui, la lumière est sur vous, héros qui nous font aimer le Bien.
Car avant de monter dans ce train de la mort, vous avez tracé le chemin de la résistance.
Vous, agents de liaison, responsables de réseau, relais du renseignement, saboteurs de chemins de fer, de lignes téléphoniques, imprimeurs de tracts et de journaux clandestins, détenteurs d’armes, de munitions, d’explosifs, recruteurs, transporteurs de matériel, hébergeurs de parachutistes, passeurs de frontières… En préparant l’arrivée des Alliés, vous avez effacé la défaite de 1940 et l’esprit collaborationniste.
Dans les heures les plus obscures de l’occupation, vous, des anonymes, des hommes presque ordinaires, vous avez eu le courage, la détermination de dire non à la collaboration, non au silence, à la complicité, à la lâcheté ou la dénonciation.
Ce chemin vous a conduit vers la mort, mais vers la Liberté de notre pays.
En nous inclinant devant vous, nous rendons hommage à des Résistants, des gaullistes aux communistes, des simples citoyens, de toutes convictions, de toutes origines, de France ou d’ailleurs qui, à la suite du Général de Gaulle, avez refusé la barbarie nazie.
Vous avez permis à nos valeurs Liberté, Égalité, Fraternité de triompher.
Vous avez tracé le chemin de la Résistance. Il nous appartient désormais de tracer le chemin de la Mémoire avec la même détermination.
Je suis heureuse de constater que les sillons de la mémoire se creusent plus profondément d’année en année. Nous formons un ensemble régional venus de tous les horizons et de toutes les générations et tissons ensemble les fils de la mémoire et de la réflexion.
– Aux familles, enfants, petits-enfants, descendants des déportés. « Sentinelle de la mémoire », que je salue respectueusement, merci de faire perdurer la voix des déportés.
Leur mémoire est plurielle. Plonger dans leur histoire est de l’ordre d’un cheminement intime. Il est souvent difficile de se séparer des souvenirs d’un être cher au profit du collectif. À l’heure où l’ère des témoins directs prend fin, il est d’une importance cruciale pour les générations à venir de confier cette part d’histoire.
– Au comité départemental « 80e anniversaire des débarquements et de la Libération du territoire » instauré par le Ministère des armées, soutien de nos initiatives locales et porteur du label National « Mission Libération », je dis également merci pour son action continue.
La force de notre programme et de nos actions, conçus en partenariat avec les associations de mémoire et La Coupole, est de viser autant un public averti que le grand public et les jeunes générations.
À ce titre, je vous invite à prolonger notre rendez-vous mémoriel en écoutant une série inédite de podcasts. Découvrez le récit immersif de cinq déportés du Train de Loos, disponible sur le site de la ville.
– Évoquer l’histoire du Train de Loos c’est saluer le travail de recherche initié puis consolidé par le centre d’histoire de la Coupole avec une énergie admirable.
Dès 2003, Monsieur Yves Le Maner que je remercie profondément pour le déplacement qu’il a réalisé ce matin pour être parmi nous, rédige un ouvrage de référence « Le train de Loos, le grand drame de la déportation dans le Nord Pas de Calais » rendant toute sa dignité à l’histoire du Train de Loos.
21 ans plus tard, en 2024, le Centre d’histoire de la Coupole, complète, détaille, ajuste ce travail par la rédaction menée par un collectif d’historiens et de lycéens français et allemands, de notices biographiques sur chaque déporté. Je salue l’actuel directeur de La Coupole, Monsieur Philippe Queste, avec qui nous avons pu construire ensemble un lien durable.
Une place tout particulière pour le Train de Loos est dédiée dans ce haut lieu de la mémoire régionale et contribue à faire connaître au grand public la tragédie du Train de Loos. Nous sommes honorés d’avoir pu partager avec La Coupole une initiative commune autour de cet anniversaire.
– L’œuvre de mémoire repose sur le travail constant et vivace du monde associatif, dans un esprit de fraternité. Nous retrouvons ici chaque année, fidèle à notre rendez-vous.
Un grand merci à l’ensemble des associations patriotiques, de défense de la Mémoire et de la Résistance. Vous êtes des « passeurs de mémoire », des « entrepreneurs de mémoire ». Souvent habités par vos parcours personnels qui font écho à l’Histoire, vous êtes à la tâche pour transmettre, essaimer les témoignages.
Sans la mémoire l’Histoire funeste est condamnée à se reproduire. Sans la vérité du témoignage, sans la quête de la preuve, le souvenir est corruptible.
Il nous faut regarder l’Histoire en face. Agir pour qu’elle ne balbutie pas. Construire fermement et constamment un barrage infranchissable contre le négationnisme, le complotisme, la manipulation.
L’Histoire nous transmet l’éminente responsabilité d’être à la hauteur. À la hauteur du passé, à la hauteur des choix qui se posent à nous, citoyens d’aujourd’hui et de demain, pour que chacun d’entre nous puisse choisir le bien, et avec Éluard, dire :
« Sur toutes les pages lues // Sur toutes les pages blanches // Pierre sang papier ou cendre // J’écris ton nom (…) // Liberté ! »